« Et voilà ». Deux petits mots. Et pourtant pour beaucoup ces deux petits mots, banals sinon dérisoires, ont l'aura des beaux discours, ils en ont assurément la saveur. Ces deux petits mots sont les derniers prononcés par Ali Farka Touré sur un album, peu de temps avant sa disparition des suites d'une longue maladie. Toumani Diabaté qui a vu partir en 2009 le troisième comparse ayant enregistré cet album, le contrebassiste cubain Orlando 'Cachaíto' López, dira combien l'enregistrement fut pénible pour celui qui restera l'une des plus illustres personnalités du Mali. « Ali & Toumani » est donc chargé d'émotions. Album-hommage autant qu'album-testament, chaque note qui s'égrène, chaque son qui s'échappe, chaque rythme qui vibre, entonnent l'esprit, les valeurs et les histoires qu'aimaient à raconter Farka Touré. Mais cet album est également un album de joie. Il relate le plaisir manifeste de ces deux artistes maliens, le nordiste Touré et le sudiste Diabaté, à se retrouver après leur excellent « In the heart of the moon » encensé par la critique. A Londres, sur seulement trois après-midi et sans aucune répétition, comme pour garder une fraîcheur à l'enregistrement, ils ont sublimé leur art pour jouer des airs traditionnels songhaïs, peuls et mandingues (l'hymne griot « Kala Djula ») ou encore pour improviser sur d'anciens succès de Touré (Machengoidi) et d'autres qui l'ont fortement inspiré (Sina mory). En laissant le guitariste mener la ligne mélodique, mettant sa kora aux notes cristallines (instrument traditionnel mandingue) et son grand talent au service de son ainé, Toumani Diabaté veut montrer le respect et le plaisir que lui procure de jouer avec celui qui avait déjà été sur scène avec son père auparavant. Ces deux artistes nous rappellent qu'ils aiment aussi à s'ouvrir aux autres pays. Preuve en est quand ils reprennent des titres sur des rythmiques cubaines (« Sabu Yerkoi » avec Orlando López). « Et voilà », ces deux petits mots ont la couleur et la mélancolie du « maintenant, je peux m'en aller. ». Le cygne s'en est allé, ses cordes ont chanté pour la dernière fois son Afrique.
Mr Blue
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