Les années 70 ont été à l'origine de profonds changements sociétaux, suite aux prémisses aperçues à la fin de la précédente décennie, mais également de mouvements culturels qui ont fait date. Avant les premiers chocs pétroliers et la crise économique qui s'en suivit, avant l'apparition des sentiments d'amertume et de désillusion, la population mondiale, enjouée, entend les premiers grands standards Soul-Funk, empreints de sensualité; l'Afrique, par l'entremise du nigérian Feta Kuli, danse sur la rythmique endiablée de l'Afro-beat; les noirs-américains revalorisent leur image et se donnent une légitimité, notamment cinématographique avec la mouvance de la Blaxploitation visant à mettre au premier plan les afro-américains. C'est dans ce cadre socio-culturel qu'un cadre de la MGM, Michael Viner, a été chargé de composer la BO d'un obscur film de série B issu de la Blaxploitation. Viner convoque alors une escouade de musiciens blancs pour écrire ce qui deviendra, presque ironiquement, une page importante de la musique noire américaine. L'Incredible Bongo Band, tire son origine, comme son nom l'indique, de l'utilisation du Bongo, instrument cubain formé de deux tambours solidaires dont l'un est plus grand que l'autre et typique des sonorités caribéennes. Ayant eu peu d'échos malgré la sortie de deux albums, Bongo Rock (1973) et The Return of the Incredible Bongo Band (1974), Viner et son groupe ont vu leur renommée monter en flèche quelques années après lorsqu'un DJ new-yorkais, Clive « Kool Herc » Campbell, décida d'utiliser leur son pour assurer les transitions quand il changeait un disque sur une autre platine. Il remarqua très vite que ces moments, qu'il appela Break-beat, mettait en transe la foule, prête à danser sur ces rythmes nouveaux, mélange du style Motown et de percussions puissantes et scandées. Kool Herc, sentant le filon intéressant, proposa au public de venir improviser durant ces Break devenus célèbres. Le Hip-Hop était né. La compilation présentée ici réunit 19 titres des deux albums parus. Surtout connu pour la reprise des Shadows, où les percus, dont un incroyable solo, se mêlent à l'orgue Hammond et aux cuivres (Apache), cet album exprime par ailleurs l'incroyable plaisir que peut procurer la coexistence de la transe africaine et des rythmes US. Menés tambours battants, ces instrumentaux, surf (Let there be drums) ou rock (dont la cover de « Satisfaction » des Stones), easy listening ou complexe, primitif (l'extatique Duelling Bongos) ou psychédélique (Bongo Rock), Jazz (Last Bongo in Belgium) ou Soul-Funk (Sing sing sing), expriment l'énergie inventive et l'envie de fusionner les genres des incroyables Bongo Band, précurseurs de la musique urbaine. S'il ne fallait qu'une preuve, consultez le « Who's who » les ayant samplé par la suite (LL Cool J, Run DMC, Beastie Boys, Missy Elliot, Coldcut, Portishead, Massive Attack, etc.). La morale veut donc que pour se projeter dans l'avenir, il est de bon ton de savoir de temps en temps regarder vers le passé. Percutante démonstration !
Mr Blue
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