On ne le souligne jamais assez, la musique tient une part importante sinon essentielle pour soutenir la puissance évocatrice d'un film, au même titre que l'image ou la mise en scène, ceci est d'autant plus vrai quand le sujet traite des personnes, actes, maux et émotions étant particularisés par le son. Le réalisateur Darren Aronofsky est passé maitre en la matière de figurer l'Homme sans concession, dans ce qu'il a de beau (The Fountain) mais souvent d'innommable, dévoilant la part sombre de l'âme humaine en ce qu'elle est (autorité et jalousie dans Black Swan) et les artifices qui la spolient. Requiem for a dream, adaptation du roman homonyme d'Hubert Selby sortie en 2000 expose la lente, lugubre et inexorable descente aux enfers des protagonistes, assujettis aux addictions, superficielle (drogue) ou matériel (télévision) qui les leurrent, maintiennent et détruisent dans une vie qui en est de moins en moins une. Pour accompagner ce film à la puissance évocatrice telle que le spectateur ne peut sortir indemne, choqué par ce que la Société peut provoquer chez l'individu, Aronoksky s'est offert les services du compositeur Clinton Darryl Mansell, ce dernier l'ayant déjà accompagné sur son premier long métrage, Pi, et l'accompagnera sur ses autres oeuvres par la suite. Là où la musique de Pi s'axait sur l'utilisation de l'électronique, celle de Requiem for a dream favorise la composition classique, les instruments traditionnels reflétant idéalement le corpus émotionnel humain, sans pour autant occulter totalement le son des machines. Pour interpréter ses compositions, Mansell a demandé au Kronos Quartet, quatuor à cordes californiens, d'officier sur tout l'album. Connu pour leur approche minimaliste de leur son, le Kronos Quartet amplifie l'aspect oppressant et violent voulu dans le film. Construite en quatre chapitres, la bande originale de Mansell est une variation autours de quelques thèmes hypnotiques, dont l'excellent Lux Aeterna où se mêlent sublimes violons et inquiétante électro, la légèreté des airs du premier chapitre (Summer overture) laissant la place à l'horreur du quotidien des héros, déchus dans une vie sans compromission ni rédemption (Winter overture). Comme évoqué dans l'univers Trip-Hop, classique et électronique savent parfaitement faire mouche quand ils sont associés et même si sur certains titres l'un prend le devant sur l'autre (Crimin' & Dealin', Meldown), l'affinité manifeste que les arrangements dévoilent donne encore plus de poids au malaise suggéré par le film (The beginning of the end). Ce sentiment s'accentue sans fin, amplifié en cela par une stridence des instruments et une noirceur des nappes électro de plus en plus présentes le long de l'album. Du film d'Aronofsky et de l'oeuvre de Mansell, vous ne sortirez pas sauf et un peu moins sain, il est cependant indispensable de ne pas passer à côté de Requiem for A Dream, véritable témoignage de son époque.
Mr Blue
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