Fans des sixties, nostalgiques de la mini-jupe naissante et de l'Olympia théâtre de concerts mythiques, aujourd'hui on prend place à l'arrière d'une Renault 16 et on file revisiter Bonnie And Clyde. En 1968, les deux icônes d'une chanson française décalée que sont Serge Gainsbourg et Brigitte Bardot sortent un disque qui fera date, porté par les tubes que deviendront Bonnie And Clyde, La Javanaise ou Comic Strip. Les carrières respectives de ces deux artistes parlent pour eux et mais il est intéressant de constater l'audace dont ils font preuve sur ce disque, à l'aube de leurs carrières : les paroles et le chant, notamment, suggèrent une sensualité exacerbée. Pas mal d'humour et de second degré également, de la fiction, de la romance : pas de doute, ce disque est sorti à la fin des années 60, alors que l'ère du yé-yé touche à sa fin et que les seventies seront nettement moins excitantes. Pas question de la jouer intello non-plus, ce n'est pas le genre du bonhomme Gainsbourg qui cultive plus une idée de l'art et du verbe que de la frime premier degré. Il y a dans ce disque une étonnante variété de styles, de la pop psychédélique de Bonnie And Clyde on visite naturellement une pop plus pimpante qui rappelle de loin une Nancy Sinatra contemporaine grâce à l'apport de Bardot, alors que le French Beat de la fin des années cinquante n'est jamais loin, pas plus que le jazz ou la java. On ne peut pas omettre le sentiment sur ce disque haut en sons et en couleurs : l'amour est central, qu'il s'agisse de celui qui unit le plus célèbre des couples de voleurs, de celui qui parfois mène au rapprochement des corps (L'Eau A La Bouche), ou à l'amour quasi platonique loué dans La Javanaise. Il s'agit bien d'un disque de Gainsbourg, et ce n'est pas les références à l'alcool (Intoxicated Man) qui le prouvent, pas plus que l'attrait manifeste pour la poésie (Baudelaire). Le mélange subtil d'influences, de concepts, de sons et surtout la voix trainante et les paroles imagées du Grand Serge suffisent à en faire un excellent album, rendu encore meilleur une Bardot à la voix claire et suave à la fois, apportant la touche finale à ce disque pimpant, coquin et subtil.
Mr Orange
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