Le punk n'en est qu'à ses balbutiements, à peine quelques formes de ce genre musical nouveau bourgeonnent aux USA, avec les New York Dolls ou les Ramones, quand Hugh Cornwell et Hans Warmling forment les Stranglers (qui ne portaient pas encore ce nom flippant) en 1974. L'appellation punk est à prendre avec des pincettes pour ce groupe qui ne regarde que de loin les sus-citées icones du genre : si comme eux ils tenaient les représentants de la génération précédente en horreur, les Stones en tête, leur son lorgnait plutôt du côté gothique (au sens historique du terme), ce qui les rapproche dangereusement de la new wave. Rattus Norvegicus, sorti en 1977, est le premier album du groupe et définit les contours d'un style assez inédit, puissant et froid, doté d'un lyrisme façon raclure de cabinets. La voix goguenarde de Cornwell affiche une désinvolture totale sur des paroles assez surréalistes (Goodbye Toulouse) annonçant une tendance cold chez les groupes du Royaume, tendance qui sera confirmée dans les années 80, chargées en voix caverneuses et en claviers. Des claviers, cet album n'en manque pas : le doué Dave Greenfield, tel un Ray Manzarek réincarné, illumine les morceaux rigides des Stranglers par des mélodies interminables. Si les claviers définissent un peu le son du groupe, que dire du jeu de basse et du son de Jean-Jacques Burnel le franco-anglais, qui tisse des grilles élastiques de rythmiques cosmiques ? C'était pour la rime, mais quand même : les vertigineux enchainements de Greenfield et Burnel sont vraiment le truc en plus des Stranglers qui se démarquent vite du reste de la troupe punk grâce à des morceaux pas toujours accessibles mais bigrement bien foutus. Rattus Norvegicus est un disque tendu et crépusculaire, annonciateur d'une poignée de galettes plus que comestibles qui méritent une écoute à volume décent.
Mr Orange
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