Qu'il est bon parfois de se faire surprendre. Le contre-pied n'est pas n'est pas l'apanage du football. Il n'est jamais aisé de se démarquer dans la quantité de productions, bonnes ou insipides, qui viennent jusqu'à nos oreilles. Qu'il est bon de s'attarder sur l'inattendu. Voix, musicalité, technicité... originalité. Certains sont dans la maitrise d'un tempo particulier, se transcende dans un genre défini quand d'autres semblent s'éclater dans la décompo-recomposition, dans le triturage musical, histoire de prendre un son ça pour le replacer là. Avancer sans donner d'indices à l'auditeur sur l'évolution d'un morceau, le pari est tangible, il est surtout risqué. La meilleure façon de résister à cette tentation est d'y céder nous a-t-on conseillé Outre-Manche, quelques français ourdis à cette mécanique s'y sont essayés, la jeune garde s'y délecte aussi, Bewitched hands, Calexico, Skeleton Band, bien d'autres encore et les présents de Mrs Good. D'ailleurs les professionnels ne s'y sont pas trompés en les nommant vainqueurs de la dernière session du « Lance-toi en Live 2012 » ou en les programmant aux Francos de la Rochelle. Les parisiens et leur second EP, Visions, ont de quoi se démarquer. Leur musique est plurielle, entrelacs de sonorités folk, électrisées, vintages ou résolument moderne. L'univers est personnel, d'un autre monde, comme échappé de je ne sais quel cerveau un peu fantasque. Le tempo est insaisissable, comme un besoin de s'échapper par de puissantes accélérations ou au contraire ralentir dans gracieuse nonchalance. Surprendre, toujours. Hormis la voix, claire, aigüe, stridente, on retrouve du Tom Waits sur « Absent Mind », dans la capacité à créer un univers burlesque, dans la facilité à mélanger cuivres, guitares et caisses, à les faire apparaître puis disparaître tout aussi prestement, à les ignorer pour mieux les imposer sur une partie instrumentale. Il y a les premières heures de la Brit-pop sur Bloody tears, là où Damon Albarn et ses comparses s'amusaient à imposer sur Parklife des sons hirsutes, échappés des 60-70's, sur une base pop, là où de brusques changements instrumentaux et vocaux ne s'imposant pas, s'impose au contraire, fonçant dans la brèche du qu'en dira-t-on, pour ouvrir la voie du et pourtant ça marche. Même le titre folk de cet opus, Bury me, ne reste pas en place. La voix est posée, presque grave, la guitare apaisée puis, comme une envie de s'extirper du quotidien, le titre s?accélère, l'électrique sonne à la porte, la voix s'éclaircit, tout semble partir en fanfare, avant de se clore délicatement comme la feuille se déposant au pied de l'arbre après avoir virevoltée, incontrôlable, sous la bourrasque, imprévue, du moment. Il y a plein d'ingéniosités et de trouvailles sur cet EP, le dernier titre, I don't know who I am today, ne déroge pas à ce principe. Consonant Pink Floyd, long et cadencé, il démarre sur un puissant choeur soutenu par une caisse sourde, laissant la place à une session où une voix haut perchée se dévoile et entonne puissamment, elle-même se retirant pour une partie instrumentale des plus enthousiasmante et sauvage, les guitares prenant les rennes avant de se laisser accompagner dans un tourbillon sonore final. Je ne suis pas devin et ne prétend jamais le devenir, mais si ces gus de Mrs Good savent ne pas se laisser emporter par leur torrent d'idées perçues sur Visions, je gage qu'ils pourront monter très haut.
Mr Blue
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