Les commentaires sur la musique des années 80 sont rarement élogieux : les morceaux étaient farcis d'effets de mauvais goût, les guitares étaient remplacées par des synthés et la batterie sonnait aussi creux qu'un oeuf. On ne peut pas franchement nier ces arguments, du moins pour la pop et la musique mainstream ; car en ce qui concerne les musiques alternatives ou indépendantes, cette décennie a vu naître des courants influencés par les punks, les groupes sixties et les machines. Les Spacemen 3 font partie de cette génération d'aventuriers sonores : formé en 1982 par Jason Pierce et Peter Kember, le groupe s'inspire autant du Velvet Underground que des Beach Boys ou des Stooges tout en s'inscrivant dans la lignée cold wave initiée quelques années auparavant du côté de Manchester. The Perfect Prescription, sorti en 1987, est le deuxième album du groupe qui est à son apogée musicale et créative à ce moment là, et chacun des neuf titres du disque emporte un peu plus le rock aérien des Spacemen 3 vers un rock blues sombre, psychédélique et hypnotique. De la lenteur des morceaux émane une violence claustrophobe qui entraine l'auditeur dans un tourbillon vertigineux jusqu'à ce qu'un riff, une cassure ou un changement de piste ne vienne l'en extirper. L'écoute de ce disque formidable n'est pas une épreuve en soi, il suffit de savoir qu'il ne s'écoute pas aussi facilement qu'un album de REM ou un best-of de Dire Straits. Je grossis le trait mais une fois passée la première approche, des morceaux comme Walkin' With Jesus, Things'll Never Be The Same ou Come Down Easy se révèlent littéralement à la lueur d'une ligne de basse entêtante, de solos de guitare bourrés d'effets dans le lointain des effluves d'un studio d'enregistrement qu'on devine psychédélique. Les Spacemen 3 semblent se trouver à la croisée de plusieurs courants : en Californie en 66, à New York en 69 ou en Allemagne en 78 pour les plus évidents, mais ils sont surtout bien présents dans les années 80, au milieu d'une génération décomplexée nourrie au son des dinosaures des 70's, des punks qui s'éteignent peu à peu, des groupes garage US que sont encore les Cramps ou le Gun Club, et, donc, de la cold wave. Voilà un disque difficile à appréhender, un disque qui ne pourra être consommé à la va-vite, voilà un disque qui se mérite : The Perfect Prescription des Spacemen 3.
Mr Orange
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