Aujourd'hui ça sera une leçon de classe, une leçon de « Monsieur » les jeunots. On boxe dans la catégorie des grandes gueules, de celles qui marquent, de celles qui imposent un certain respect, oserais-je dire une révérence. Alors bien sûr ils peuvent nous être complètement indifférents, on peut passer totalement au travers de leurs oeuvres mais une chose est certaine, on ne peut nier leur magnétisme. Des exemples les djeun's? Le cinéma. Gabin, Ventura ou plus récemment Dewaere. On n'a pas forcément vu leur film, on ne connait pas obligatoirement leur véritable influence dans ce milieu mais on apprécie leur aura et on possède au moins quelques idées du personnage dans le coin de notre mémoire, des affiches, des titres ou des répliques. Bref des références. Cette aura, elle éclate de sa superbe sur leur visage, si expressif, dans leur regard, tellement imprégnant. Ce regard, on le retrouve chez Arno, autre grande figure de la scène artistique et qui nous intéresse en premier lieu. Arno, chanteur flamand écumant les scènes depuis un quart de siècle m'est assez inconnu je dois dire. Et pourtant, il marque dans le paysage musical francophone. Qui ne connait pas "Les Yeux de ma mère", si émouvant, "Je veux nager" ou encore ses reprises, notamment celles de Brel ? Oui Arno marque. Il est de la famille des Higelin et Waits, autres grandes gueules à qui on le compare souvent. Même voix rocailleuse, même univers tour à tour touchant ou burlesque, même arrangement pluriel, même envie de titiller d'autres genres, d'autres sonorités, d'autres rythmiques. Des personnages, complexes et sensibles. Très blues. Et Future vintage, dernier album en date, ne déroge pas à la règle. Oxymore résumant la pensée de l'artiste, à savoir que les gens ne supportant de voir devant, vers l'avenir, apeurés qu'ils sont déjà par leur présent, préfèrent se retourner et se rassurer dans leur passé, fantasme que dénonce Arno. On retrouve ce qui fait la griffe du belge, une poésie des mots, qui ne s'apprécie pas au premier abord, mais avec effort, la chandelle est à ce prix, et seulement si on se laisse emporter dans les volutes imagées. Son ami et collaborateur de toujours Serge Feys est présent et, car le personnage aime à surprendre, Arno s'est associé au musicien et producteur John Parish (PJ Harvey, Goldfrapp, Eels, ...) pour continuer à faire évoluer sa musique. Ainsi à côté de ses classiques, son blues chantant amour et désamour (Chanson d'amour ; Dis pas ça à ma femme), son America folk déjanté (If I was), ou une nouvelle version d'Oh la la, titre de son premier groupe, on retrouve un son plus anglais (from Bristol), assez électro et usant pas mal de réverbérations, plongeant dans les Pop (We want more) et Rock indé (elle dit la vérité). Bien sûr, Arno ne serait pas Arno s'il ne surprenait pas. Ainsi le premier titre, Show of live, rappelle le rock des seventies, manière ironique de rappeler le sujet de l'album, la néo Dub s'apprécie (Quand les bonbons parlent) ou surprend par son rendu industriel (Ostend dub) tandis qu'on imagine un Sid vicious vieilli, ayant résisté aux affres de la vie, sur I don't believe. Non le punk n'est pas mort et Arno non plus. Il était, est et restera là, même à la marge, même pour des initiés, et prouve que le rock a terriblement besoin de ses gueules cassées.
Mr Blue
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