Que serais-tu devenue Janis? Par tous les démons du rock n'roll et leur cortège de groupies lascives que serais-tu devenue Janis? Si ton penchant naturel pour le bourbon et l'héroïne ne t'avait réduit au silence un matin dégueulasse dans un hôtel de Los Angeles, que serais-tu devenue Janis? Je te vois assez mal en vedette effrayée par l'oubli et sans cesse sur le retour, défoncée au botox et aux illusions. Tu ne te serais tout de même pas métamorphosée en vieille gloire, abrutie par un possible come-back au premier plan? Je ne peux me résoudre à t'imaginer t'égosillant sur scène en compagnie d'une pin-up au décolleté plus profond que son âme et aux talons bien plus hauts que son pathétique filet de voix. Mais alors que serais-tu devenue Janis ? Revenons à ce mois d'Octobre 1970  qui voit la reine de l'Acid-Rock et sa toute nouvelle formation « Full Tilt Boogie Band » rentrer en studio afin d'accoucher de ce qui deviendra le quatrième album studio de la Texane, Pearl. Ainsi nommé en raison de l'affectueux sobriquet dont l'affublaient ses amis. Les sessions se déroulent sous la houlette de Paul A.Rothchild, producteur attitré des Doors et qui s'accorde là une délicieuse incartade sans savoir qu'il n'enregistrera plus jamais avec le groupe de Jim Morrison. Les jours défilent et les classiques se succèdent car au contraire du roi lézard, madame est assidue lorsqu'elle se trouve en cabine. Miracle de l'époque, la galette se cuisine à une vitesse hallucinante. Il se dégage dès la première écoute une impression de miracle permanent, le disque ne revendique pas d'ambiance particulière mais plusieurs. Les sauts périlleux entre les atmosphères sont fréquents, une bonne claque sur le beignet pour commencer avec « Move over » et voici Janis Lyn qui vous chiale sur l'épaulette dès la deuxième plage avec « Cry baby ». On retrouve avec plaisir la patte de Rothchild sur « Half moon » et on reconnaît avec délectation la touche joplinesque sur des morceaux plus satinés comme « A woman left lonely », ou teintée d'ironie telle « Mercedes Benz ». C'est au lendemain d'un de ses plus beaux enregistrements, « Me and Bobby Mc Gee » que Janis est retrouvée sans vie dans la chambre 105 du Landmark Motor Hotel. L'héroïne était peut-être trop forte ou la Mama cosmique trop fatiguée ? Un peu des deux sans doute, toujours est-il qu'elle rejoint Jimi Hendrix parti en éclaireur deux semaines plus tôt. Morrison les rejoindra dans une poignée de mois, mettant par la même occasion un terme aux années 60. Il reste la musique, il reste toujours cette putain de musique. Pearl est une auberge ouverte à tous et à toutes. Ce son à faire sangloter les loubards, cette déferlante à faire monter sur les tables les institutrices de maternelle. Cette tornade à faire bouger les culs des étudiants aspirants banquiers, ce chuchotement qui pousse même les plus réticentes à enlever leurs petites culottes. Ces hurlements de louve solitaire qui indiquent la bonne direction à la meute, ces soupirs qui accompagnent nos soirées les plus larmoyantes. Cette inspiration qui relève de l'instinct, toute cette musique qui devient héritage. Sur « Trust me », Janis répète comme une supplique : -Trust in me baby, give me time, gimme time, please, a little more time... Ma chérie, tu as l'éternité devant toi.
Mr Malo
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