L'autre jour avec des potes, nous discutions sur le fait que la vie n'était pas une autoroute plate et rectiligne que nous traversions à une vitesse constante et monotone. Non ,elle est faite de courbes, de sans issues, d'accélérations et de ralentissements, de hauts et de bas. Bref cette existence est changeante, au gré du hasard, des choix et des non-choix, de soi et des autres. Cette existence est ponctuée d'événements qui fourmillent et fournissent notre quotidien, certains pénibles et imprévisibles, ces petits grains de sable qui enraillent la roue ou ces gros éboulements qui bouchent notre horizon. Mais si on peut être touchés par ces petits et grands malheurs, si on peut ressentir ces maux au fond de nos âmes ou de notre gorge, si on peut pleurer comme taper du poing, c'est que nous sommes encore vivants. Et si nous sommes en vie, c'est que notre vie ne nous échappe pas et que nous pouvons encore avancer sur cette route, contourner ou gravir. Finalement, pour paraphraser un certain Dylan, celui qui n'est pas occupé à vivre est occupé à mourir. C'est un peu ce que nous alerte Hugh Coltman sur son second album. « Dans les hôpitaux durant la première guerre mondiale, les médecins avaient un tableau noir sur lequel était inscrit le nombre de morts et de blessés et « 0 K » voulaient dire « Personne n'est mort » donc c'était plutôt une bonne chose » nous explique-t-il. Zero killed est donc une suggestion sur la façon de voir et d'accepter la vie et ses travers. Ce disque traite autant des difficultés d'un couple perdu, comme échoué sur leur lit chaque soir (Stranded) que du deuil d'une amitié (The mathematician) ou de la solitude humaine (Mice and men inspiré du roman éponyme de Steinbeck). Mais, et tout la maestria de Coltman est là, point de misérabilisme dans les compositions, pas de voix abattue et geignarde, au contraire. Pour raconter ses histoires, Hugh Coltman, comme sur Stories From The Safe House, nous propose des morceaux dont la précision des arrangements n'a d'égal que la justesse des mots (Carnival). Culture anglaise oblige, Coltman pratique l'art de la contradiction, de l'entourloupe entre ce qu'il donne à entendre et ce qu'il prête à décrire. Cette ambivalence appuie la force des textes et donne à penser que même si la vie isole (Isolation), sépare (Stranded) ou échappe à une réalité (new York), au fond rien ne la vaut. Culture blues-jazz oblige, sens de la rythmique et travail laborieux, pensez donc quatre ans se sont écoulés depuis le précédent album, font que les mélodies sonnent plus qu'agréablement dans nos oreilles, entre folk légère et pop sucrée, à l'exception du rockabilly Sticks and stones. Tout semble couler, comme une évidence, balade aux tropiques (It's ok), harmonie des cuivres et d'un ukulélé (The mathematician), sonorité asiatique et pop anglaise (All You said). Messieurs Lennon et McCartney, puissiez-vous entendre, il y a de vous chez lui même s'il se refuserait sûrement à le prétendre, gentleman agrément prévalant. Zero killed est un album d'un étonnant positivisme malgré les propos tenus. Derrière chaque vide, chute et tristesse vous égarant, je vous prescris quelques notes de cet album soigné aux mélodies délicates et justes. Voyez le verre à moitié plein, relevez-vous et souriez. Ce n'est pas la fin du monde, vous êtes vivant.
Mr Blue
Un disque un jour © 2011 - 2024 • Tous droits réservés • Webdesign by Mr Blønde • Nous contacter • Mentions Légales •