Noël sur le chemin du calendrier, vient le moment des tablées familiales où chacun fait le bilan de son année et de celle à venir et où les grands-parents, à grand renfort de bonheur en boite, s'étonnent de la poussée verticale de la progéniture de leur progéniture. « On ne voit pas le temps passé » et autre « diantre qu'il a grandit » alimentent pendant quelques instants les conversations à la vue de la marmaille plus si petite qu'elle en avait l'air. Et bien il y en a une qui a bien grandit, l'avais-je seulement oublié depuis Come away with me. Pensez-donc, dix ans, toute une vie, un peu moins d'artiste, un peu plus de femme, pour ce dernier opus de Norah Jones. L'évolution se voit sur les différentes pochettes, de la jeune femme à la perle, romantisme lissé jusqu'à la pointe et regard fuyant, jusqu'à la femme assumée, cheveux en bataille et regard attisant. Alors que reste-t-il de la période soft jazzy pour les uns, easy listening pour les autres ? Et bien déjà la voix, toujours aussi belle mais beaucoup plus modulée qu'auparavant, nous y reviendrons. On y retrouve certaines mélodies caractéristiques, comme sur l'ouverture Good morning ou sur Travelin'On, histoire de ne pas trop nous dérouter. Une mélodie simple et délicate, légèrement voilée pour le premier, accompagnée de cordes pour le second, histoire de supporter le timbre tout aussi délicat et soutenu de Norah Jones. Mais la demoiselle a grandit et, devenue une jeune trentenaire, une certaine idée de la vie que l'on nomme communément expérience et une volonté de s'affirmer musicalement l'ont vu s'affranchir de son cocon jazzy pour lorgner vers la pop. Ce parti pris s'est confirmé lors de sa rencontre avec le producteur Danger Mouse sur le projet Rome. Une envie de travailler avec ce monsieur, décidément fort demandé, histoire d'effacer encore un peu plus son image, un peu sage. De cette collaboration on retrouve les ambiances western spaghetti de Rome, tantôt bluesy (4Broken hearts), tantôt country (Out of the road). Monsieur Danger Mouse est un tarabiscoteur de sons, un tripatouilleur acousticien qui sait réutiliser des cordes déjà utilisées par ses bons soins. Une touche électro singulière, des effets (de style?) parsemés, pas mal de basses, il n'a pas travaillé sur The Good, The bad and the queen et Gorillaz pour rien (After the fall), à des accointances, le volume sonore en moins, avec les Black Keys dont il a produit le dernier album (Happy pills). Oui on reconnaît bien là le bankable producer. Il a surtout su, et est-ce cela son mérite, faire varier le grain de voix de la demoiselle, moins cotonneux, plus assurée (Say Goodbye), plus sensuelle, moins fragile (Little broken hearts) voire posant les vocalises de la belle en second plan en face de la ligne mélodique (Take it back), lui donnant alors plus de profondeur. Enfin Norah Jones termine son récital par deux prestations que n'aurait pas renier son moi d'il y a 10 ans, du très léger et pop Miriam à All a dream, où les cuivres n?apparaissent pas mais le jazz se pressent. De Come away with me à Little Broken hearts, la demoiselle aux rêves a laissé la place à la femme aux illusions. Que nous proposera le Noël décennale?
Mr Blue
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