On pourrait se méfier en tendant une oreille à l'attention du premier album des Franz Ferdinand. Rien ne semble laisser au hasard dans cet opus. Couverture impeccable siglée Bauhaus, symbolisme réservé aux initiés qui se caresseront langoureusement leurs barbichettes d'étudiants en archi' tout en se persuadant d'être les seuls à piger. Format efficace n'excédant pas les quarante minutes, longévité officielle des collectors et autres microsillons platinés. Thèmes récurrents pour des paroles issues de la problématique post-adolescente. Amour vache sur le tubissime « Take me out », romance déglinguée avec « Cheating on you », révolte absurde plein les neurones à l'écoute de « This fire ». On froncerait volontiers les sourcils quand s'installe dans nos tympans le son précis, net et sans bavure des quatre mecs de Glasgow. Savant mélange de post-punk, new-wave, pop-rock, véritable formule miracle qui donne à toutes les clefs de sol un air de tiroir-caisse. On plisserait un tantinet les yeux croyant reconnaître une mélodie par-ci ou un refrain par-là. Par tous les Saints et leur cortège de barbus aux regards aussi expressifs que celui de Benjamin Castaldi un soir de grande audience ! On vient de se payer votre tronche et déjà, vous avez dans la bouche ce petit goût de sang qui précède toutes les grandes revanches. Un hurlement jusqu'ici inconnu des humains s'échappe de votre gorge tandis que vous quittez votre tanière. Vous fendez la foule afin de revenir sur vos pas illico-presto. Vous dévalez les escaliers comme la bête humaine que la tromperie a fait de vous, pénétrez dans la boutique d'un bond animal pour atterrir nez à nez avec le vendeur. Le salopard, encore ignorant du destin qui l'attend vous décoche son sourire le plus engageant puis déclare tout de go « Bah alors mon pote, tu veux autre chose ? ». La raison vous a quitté, vous n'êtes plus que colère et écume mousseuse. Vous lui sautez à la carotide dans un grognement primitif et mordez dans sa veine à pleines dents. Sa résistance s'évapore à l'instant où vous parvenez à lui arracher l'oreille gauche. Les clients, témoins de la juste vengeance, évacuent l'échoppe à grands renforts de cris stridents. Ce qui, il faut bien le dire, ne vous empêche pas d'éviscérer le damoiseau goulûment. Les forces de l'ordre, elles-mêmes, mettront quelques longues minutes à vous faire lâcher la dépouille...Alors que, installé à l'arrière de la bagnole de police, vous observez la ville défiler dans une lumière crépusculaire. Deux ou trois petites choses vous taraudent l'esprit. Une pochette d'album qui évoque le constructivisme, c'est assez osé tout de même. Ne pas dépasser une heure pour un album de Rock est essentiel. On est là, pour prendre des claques, pas se caresser sur du Free-Jazz. Et puis on a affaire à un premier album, les textes n'ont pas forcément été pondus en studio. Ils datent probablement des premières répétitions dans un entrepôt désaffecté, à l'époque où Nick Mc Carthy et Alex Kapranos apprenaient la vie à coups de bitures et de gonzesses peu fréquentables. Fallait bien les sortir à l'occase ces morceaux, même si on a pris quelques années dans le cornet. Les influences des Franz Ferdinand sont évidentes et alors ?! On décèle du Talking Heads dans le côté doucement anachronique de leur son, peu importe ! Un swing sexy-punk qui n'est pas sans rappeler Blondie, au poil ! Une décontraction toute en classe que n'auraient pas renié les Kinks, qu'à cela ne tienne ! Vous souriez au souvenir de cette citation de Cocteau, « La mode, c'est ce qui se démode. ». Bon dieu, ce que vous êtes spirituel. La puanteur du sang séché sur vos fringues vous ramène à la réalité tandis que la caisse des flics ralentit à l'approche d'un parking désert hormis deux ou trois ambulances. On vous extrait brutalement du véhicule pendant qu'une jolie quarantenaire se présentant comme votre avocate vous conseille de vous taire pour l'instant. Dès votre entrée dans le bâtiment, vous constatez que les couloirs sont horriblement trop éclairés alors que des infirmiers prennent le relais des policiers. Deux gros balèzes aux regards noirs qui vous poussent sans ménagement dans votre chambre-cellule. Vous apprenez que vous pourrez vous laver tout à l'heure et qu'on vous laissera vous promener tous les après-midi entre treize heures et seize heures. Vous demandez à faire pipi, on vous répond que c'est envisageable, à condition que vous preniez vos pilules.
Mr Malo
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