A découvrir Ntale's Groove l'oreille fraiche, on entend de prime abord une musique d'ambiance, et on croie presque à la copie falote d'un énième Café del Mar, de je ne sais quel autre Buddha Bar, Brasserie Shiva ou autre Caféteria Krishna. Bref, est parfois tenté de demande d'augmenter les BPM ou les roulements de basses. Comme par exemple dans le mélange hasardeux de cordes plaintives avec des rythmes sortis d'une plage de Copacabana (Middle Passage) On a finalement la surprise de croiser au détour d'un chemin un petit blues honnête (« South St.Pete Blues »), envoyé au vent sans trop de conviction, mais qui nous fait tout de suite comprendre le projet de cet album : un voyage à travers toutes les émanations de la musique noire, celle qui vient du continent Afrique, et sur ce point on doit bien reconnaître que ce n'est que justice. Car la musique qui vient d'Afrique irrigue tout ce dont la musique occidentale est faite. Jazz, blues, reggae, rock, salsa, funk, rap et toutes les déclinaisons de ces genres (c'est-à-dire peut-être plus d'une autre centaine...), tout cela trouve ses racines profondes en Afrique, et un peu aussi dans l'esclavagisme des Etats-Unis du 19ème siècle. Le jazz, puis les negroes spirituals, puis le blues, sont tous trois nés dans les soirées dans plantations de coton, autours d'un feu et des compagnons de malheurs, dans une tentative toujours vaine d'échapper ne serait-ce qu'un instant à la cruauté du monde. Plus tard, le blues de Screaming Jay Hawkins, ou de Muddy Waters inspirera un Chuck Berry ou un Little Richard. Ce sont eux les vrais inventeurs du rock, Elvis n'en étant que le succédané blanchi, et donc plus acceptable dans l'Amérique ségrégationniste des années 1950. On connaît la suite : les années 60, 70, 80 (le rock, le reggae, le disco, le hip hop, et tant d'autres). Ce que doit la musique d'aujourd'hui à l'Afrique, on ne le dit jamais assez. On l'omet un peu sciemment, et un peu par négligence coupable. Comme si l'on voulait oublier qu'elle est née d'une abomination, à savoir la traite et l'asservissement des hommes par les hommes, et dont les Européens portent la responsabilité originelle, eux qui les premiers se rendaient en Afrique pour capturer les esclaves africains, puis revendre dans le Nouveau monde. ClassicBeatz (aka Jason Minnis) aspire à faire briller l'apport incommensurable de l'Afrique sur la musique que nous écoutons tous les jours, du rock le plus pointu à la chanson pop la plus banale. Pour cela rendons-lui grâce, remercions l'intention et remercions l'ambition, trop rare, absolument.
Mr Moka
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