Ceci est la chronique toute subjective d'un non spécialiste de Daft Punk, qui n'a d'ailleurs ni lu ni entendu ce que les autres en pensaient. Evidement, faut aimer. Mais si on se laisse débarrasser des éventuelles idées reçues que l'on peut avoir sur la musique électronique, alors le spectacle en vaut vraiment la peine. Cet album, c'est de la musique, car c'est de l'écriture de musique. En tirant un peu les cheveux, on pourrait même faire valoir que seuls les interprètes de musique de chambre ou des orchestres philharmoniques sont capables de fabriquer de la musique en son sens le plus noble ? Mais on ne le dira pas, pour rester de bonne foi. Et puis de toute façon, il y tellement d'instruments « authentiques » (et passons sur l'utilisation souvent abusive du mot) dans Random Acces Memories, que bon. Tout est magnifié dans cet album, de la durée parfaite des chansons à ce mixage exceptionnel, ciselé avec un talent rare. D'accord on l'aimait déjà avant qu'il sorte, d'accord on s'attendait à la même funk que sur « Get Lucky », d'accord on a été surpris. Mais on est bien obligé de reconnaître tout ce qu'il y a ici de nouveau, et surtout d'inventé, à commencer par exemple par cette ambiance verte fleurie distillée à la flûte dans « Motherboard »). Il y a énormément de choses dans ce disque, qui parle aussi bien des années 70 que du disco et de la funk, et de la naissance de la musique électronique. Le tout dans un mélange savamment orchestré et dont nous ne percevons que le résultat final et enchanteur. Il y a du piano à la Christophe dans « Within », il y a du Michel Berger dans « Touch »... mais tout cela fait sens. Jusqu'au premier morceau qui a assurément un léger air de Toto (en mieux quand même...). On passera très vite sur le 2ème titre un peu mouligasse, et sur l'inspiration parfois un peu à la Kavinsky (« Instant Crush »). Et on leur posera une question simple : vous voulez nous parler ? Vous voulez nous dire quoi ? Parce que Random Access Memories, c'est quoi ? C'est un hommage à des mentors incongrus? C'est un merci à des mentors moins incongrus (« Giorgio by Moroder » avec sa conclusion grandiose et en feu d'artifice) ? C'est un regard porté sur les quarante années précédentes, avec un soupçon de nostalgie dans le synthétiseur ? C'est du recyclage ? C'est surtout de l'invention, sans aucune négation possible. Les Daft Punk ne se contentent pas de rendre superbes pleins de petits morceaux glanés un peu partout : ils en fabriquent une coulée de musique toute neuve, toute vierge, et qui sans doute ne se reproduira d'ailleurs pas. Des chansons qui durent 8 ou 9 minutes, des monologues dans les morceaux, des intermèdes spatio-temporels en plein milieu d'un titre, tout ça n'est que la partie visible de tout ce que ce travail a d'inédit. Et qui se termine par un morceau de bravoure fantastique : « Contact », du miel qui fait bouger fort la tête, bref tout ce qu'on a toujours rêvé qu'on nous mette dans les oreilles. Le plaisir pur et sans contrainte. Ces sont des toms battus avec l'innocence du vent, des accords plaqués sur le synthé sans plus de précautions que ça. C'est une basse saccadée un peu chaloupée, qui n'a rien à voir avec le reste, mais pourtant mille fois SI ! C'est cette cymbale ride bien primaire qui arrive et martèle à la troisième minute, et qui nous claque aux oreilles avec la stupeur d'une époque insouciante, même si on y avait été préparé avant. C'est tout ce qu'on voudrait faire dans une chambre d'ado, mais que les cadres faits par les autres interdisent. C'est presque un appel aux délires adolescents ! Eux peuvent le faire, car ils ont le génie, et ça devient génial. Les Daft Punk continuent de tracer le sillon de leur légende, sciemment ou non. C'est à écouter frais, fort, sans modération, au casque ou dans les enceintes. On dit merci d'exister et de représenter la « French Touch », de cette manière, et on a toujours le sentiment voire la conviction limpide qu'ils ne nous referont pas attendre aussi longtemps la prochaine fois. On le souhaite ardemment, et on laisse résonner en nous quelques mots attrapés au début de ce « Contact », si fier et recouvert de tant de panache: there's something out there.
Mr Moka
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